Chronique d'une paëlla sucrée au thé vert et/ou la révolution 'paëllique' d'Alberto Herráiz (restaurant Fogón, París)
Le chef Alberto Herraiz en train de cuisiner |
"LA VERITABLE PAËLLA N'EXISTE PAS"
Alberto Herráiz affirme ne pas trahir les racines de la paëlla. Cependant, il refuse l'idée de la "paëlla authentique". De fait, "si tu parles à trois Valenciens, personne n'est d'accord" sur la façon dont cuisiner la paëlla ou sur les ingrédients qu'il faut y mettre. La paëlla authentique est impossible à reproduire car, à son avis, à l'époque où elle a été créée les recettes se transmettaient oralement. En somme, il n'y a aucune trace écrite.
En conséquence, pour lui, la paëlla "est une technique de cuisine qui ne se raccroche à rien"; ce n'est pas "une recette quadrillée", non, c'est une tradition sur laquelle "personne n'est d'accord". Ainsi, "quand un client arrive" au Fogón et il demande une "paëlla authentique, ça ne va pas, parce qu'elle n'existe pas", affirme le chef en riant.
UNIVERSALISER LA PAËLLA
Ce manque de purisme, précisément, rend possible le fait "d'universaliser" ce plat. Cependant, la tâche n'est pas facile, car universaliser la paëlla veut dire l'adapter à l'histoire gustative de chaque convive. C'est pourquoi, Herráiz définit les "paëllas blanches" comme sa "première grande découverte". La paëlla blanche se passe de tomate, de paprika et de safran, c'est-à-dire, "le sofregit qui marque le caractère de la cuisine espagnole et surtout de cette technique". Ainsi, "éliminer cette trilogie" et la remplacer par des produits locaux propres à la culture gustative de l'hôte veut dire "universaliser la paëlla".
Herráiz le résume d'une façon très simple: "mon objectif est que chacun fasse de la paëlla avec ce qu'il a dans le frigo". Ainsi, "ce qui me ferait plaisir serait d'aller n'importe où et de trouver de la paëlla dans les menus de tous les restaurants" comme le "risotto italien". Et il semble avoir réussi.
PAËLLA AU THÉ VERT POUR UNE DIPLOMATE JAPONAISE
Un exemple suffit. Une diplomate japonaise est devenue une fan inconditionnelle du Fogón grâce à une paëlla sucrée au thé vert. En fait, "chaque fois qu'elle revient nous devons en préparer", explique Herráiz flatté. Le secret de la réussite se base sur le fait de "séparer le bon grain de l'ivraie" et "codifier" la recette de la paëlla en fonction de "l'histoire gustative" du client, résume Herráiz.
HERRÁIZ "NE SAVAIT RIEN SUR LA PAËLLA"
Portrait d'Alberto Herraiz (photo réalisée par J. Mari del Moral et transferée par le chef) |
À long terme, Herráiz a remarqué que le fait de ne pas avoir une connaissance acquise sur la paëlla "a été un avantage parce que tu n'acceptes rien, parce que tu remets tout en question". Ainsi, le chef a pu "analyser l'information recueillie sans a priori" et établir les bases de la technique pour cuisiner de la paëlla.
ENQUÊTE SUR LA PAËLLA
Pour cela, Herráiz et ses frères (aussi cuisiniers) ont visité les restaurants de paëlla les plus renommés. "Chacun a visité différents lieux et chacun a reçu des explications différentes!". "Il y avait des points communs, mais personne ne mesurait les quantités ni chronométrait" le temps de cuisson.
Cela les a conduits à créer leur propre système pour cuisiner de la paëlla. Les frères ont fait d'innombrables tests en modifiant un seul élément à chaque fois jusqu'à obtenir le meilleur résultat dans tous les cas. Ils ont aussi étudié quelle était la meilleure marque de riz.
Après cette enquête Herráiz a établi "un système, qui n'est pas le meilleur, qui n'est pas le pire, mais qui est toujours égal" et "permet de maintenir un niveau très élevé" et constant, tel que le chef le voulait. Malgré tout, "le système a continué à s'améliorer" et a porté comme fuit un livre de recettes appelé 'Paëlla'. Cependant, le chef a précisé que "le travail n'est pas fini" et qu'il "continue à se perfectionner un jour après l'autre".
"L'ÉTOILE MICHELIN NE NOUS CORRESPONDAIT PAS"
À ce jour, Fogón a trois 'toques' sur le guide 'Gault&Millau' mais encore aucune étoile sur le guide Michelin. Cependant, pendant quelques années le restaurant a figuré au firmament du Michelin. À propos de ce fait, Herráiz explique sans mâcher ses mots que "l´étoile Michelin ne leur correspondait pas".
Selon le chef, "le client qui se guide par les étoiles Michelin demande différents services" que le Fogón n'a pas, et ne vise pas. Herráiz précise que les prix du Fogón "sont moitié moins élevés" que ceux des autres restaurants étoilés. Cependant, son expérience ne fait aucun doute: pour un même prix, le client opterait pour un restaurant français et non un espagnol. C'est pourquoi, conclut-il, "mon restaurant est 'minimal' et il y a seulement ce qui est indispensable".
PAËLLA AU THÉ VERT ET AUX HARICOTS ROUGES
(Recette extraite du livre 'Paëlla' par Alberto Herráiz)Pour 6 personnes:
- 4g de thé vert placé dans un sachet pour infusion
- 4 capsules de cardamome blanche, 1 étoile de badiane et 6 graines de coriandre, le tout réuni dans un sachet à infusion
- 150 grammes de riz rond
- 60 cl de lait
- 100 grammes de sucre en poudre
- 20 g de poudre de thé vert matcha + 1/4 de cuillère à café pour la cuisson du riz
- 125 grammes de haricots rouges 'azuki' cuits, en conserve
- 60 cl d'eau
Préparation
Faire chauffer 60 centilitres d'eau dans la paëlla. Juste avant l'ébullition, retirer du feu et ajouter le thé vert et le sachez d'épices. Laisser infuser 5 minutes dans la paëlla, puis retirer le sachet de thé et laiser le sachet d'épices.
Faire chauffer de nouveau. Juste avant l'ébullition, ajouter le riz, bien le repartir dans la paëlla et laisser cuire sur feu doux à petit frémissement, en évitant l'ébullition. Programmer un minuteur sur 45 minutes.
Au bout de 10 minutes, faire bouillir le lait dans une casserole. Ajouter le sucre et 2 grammes de thé vert en poudre; remuer pour dissoudre les ingrédients, puis verser le tout dans la paëlla.
10 minutes plus tard, ajouter les haricots rouges bien égouttés. Retirer le sachet d'épices. Goûter et ajouter du sucre si nécessaire.
Vérifier régulièrement la cuisson du riz jusqu'à ce qu'il soit à point, en ajoutant de l'eau si nécessaire. Au bout de 25 minutes, une fois la cuisson terminée, retirer du feu. Nettoyer les bords du plat et laisser refroidir à température ambiante.
Conserver le riz au réfrigérateur. Au moment de servir, saupoudrer toute la surface du riz du thé matcha à l'aide d'un tamis très fin.
FOGÓN
45 Quai des Grands Augustins, 75006 Paris
www.restaurantfogon.com
Ouvert de mardi à dimanche midi et soir
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